La vulnérabilité et la Cour européenne des droits de l’homme(CEDH)
La vulnérabilité et la CEDH
Tout comme en droit français, la notion de vulnérabilité n’est pas définie par le droit de
la convention européenne des droits de l’homme et encore moins par la Cour européenne
des droits de l’homme. Néanmoins, cette dernière identifie des cas de vulnérabilité,
afin d’accorder une protection spéciale qui est nécessaire pour garantir l’effectivité des
droits de la convention.
I). — La qualification de vulnérabilité
(La vulnérabilité et la CEDH)
La cour fait référence à des « personnes vulnérables », à la vulnérabilité extrême ou encore
à la vulnérabilité.
La cour de Strasbourg a une approche catégorielle qui renvoie à une idée d’ensemble.
La vulnérabilité peut correspondre à une caractéristique ou à une situation commune à
des personnes, comme le handicap.
Elle est aussi appréhendée en tant que vulnérabilité de groupe, c’est-à-dire, un groupe
identifié au regard de sa relation avec la société (intégration ou exclusion), de la même
manière que la minorité des roms.
La vulnérabilité peut être intrinsèque,
telle que l’état psychologique ou extrinsèque,
tel que l’extrême pauvreté. Il faut comprendre que la vulnérabilité ne renvoie pas à une
qualité individuelle et unique d’un individu.
L’opération de caractérisation d’une vulnérabilité dans une espèce donnée s’effectue
par l’appréciation de l’ensemble des informations portant sur la personne.
Cette approche permet de mettre en évidence des spécificités qui doivent être prises
en compte dans l’application de la norme, sans pour autant briser la dimension universelle
des droits de l’homme.
Du fait de l’existence d’une vulnérabilité, ces individus se trouvent dans une situation
d’inégalité, par rapport aux personnes non vulnérables, dans l’exercice des droits garantis
par la convention.
II). — La diversité de vulnérabilité
(La vulnérabilité et la CEDH)
Dans l’arrêt KI, rendu le 15 avril 2021, la cour identifie la situation des demandeurs d’asile
comme étant une vulnérabilité, en raison d’un parcours migratoire pouvant être traumatisant,
même si elle ne retient pas cette qualification en l’espèce.
Dans l’arrêt LACATUS c. Suisse, rendu le 11 janvier 2021, la cour caractérise une vulnérabilité
économique.
La cour observe que la requérante est analphabète et issue d’une famille extrêmement pauvre.
Elle n’avait pas de travail et ne touchait pas d’aide sociale. La mendicité constituait un moyen
de survivre.
Dans l’arrêt BOULLID c. Belgique, rendu le 28 septembre 2015, les individus se trouvant entre
les mains d’une autorité sont en situation de vulnérabilité.
C’est notamment le cas des personnes placées
en garde à vue.
Dans l’arrêt B. S. c. Espagne, la Cour estime que les juridictions internes n’ont pas pris en
considération « la vulnérabilité spécifique de la requérante, inhérente à sa qualité de femme
africaine exerçant la prostitution ».
Il arrive que la cour de combiner dans une même affaire plusieurs sources de vulnérabilité,
ce qui renforce la vulnérabilité particulière d’un individu. Tel est le cas dans l’arrêt Mubilanzila
Mayeka et Kaniki Mitonna c. Belgique où la cour fait état de la vulnérabilité extrême de l’enfant
en bas âge qui se retrouve séparé de sa mère dans un centre de rétention, dont le séjour est irrégulier.
L’arrêt CHOWDUARIE c. Italie, rendu le 30 mars 2017 portait sur l’exploitation de travailleurs migrants
en situation irrégulière. La cour relève une situation de vulnérabilité qui est à la fois économique
et due à l’irrégularité du séjour.
II). — L’attribution d’une protection spéciale
(La vulnérabilité et la CEDH)
Une protection spéciale est accordée aux personnes vulnérables afin qu’elles puissent exercer leurs
droits comme le droit de recours devant les tribaux.
La vulnérabilité peut placer des individus dans une situation d’inégalité comparée à des personnes
non vulnérables.
Il faut alors mettre en place des mesures afin de leur permettre de se prévaloir de leur droit.
La reconnaissance de la vulnérabilité semble avoir un impact sur la procédure.
De plus, elle implique un assouplissement des conditions de recevabilité posées à l’exercice des recours
individuels devant la Cour européenne.
Dans le cadre du contentieux de la Cour européenne
des droits de l’homme, les requérants doivent
posséder un intérêt à agir, c’est-à-dire subir directement ou par ricochet les effets de la mesure litigieuse,
selon l’article 34 de la convention européenne des droits de l’homme.
Dans l’affaire CENTRE DE RESSOURCES JURIDIQUES AU NOM DE VALENTIN CAMPEANU, rendu en 2014,
une association voulait agir au nom d’un orphelin décédé.
Le gouvernement roumain avait contesté la qualité de l’association pour agir.
Cette dernière n’était ni la victime directe, ni la victime indirecte, ni un représentant de la victime.
La Cour européenne retient que la victime était « extrêmement vulnérable et n’avait pas de proches.
M. Câmpeanu était un jeune Rom atteint de déficiences mentales graves et infectées par le VIH ».
La cour relève qu’aucune forme de protection juridique n’avait été mise en place et que le jeune
homme était manifestement incapable d’exprimer un quelconque souhait sur ces besoins et intérêts
et à fortiori sur l’opportunité d’exercer un recours. Elle ajoute qu’il n’avait pas de parents proches connus.
Elle relève aussi que la qualité pour agir de cette organisation n’avait pas été contestée par les autorités
roumaines, durant la procédure interne.
La cour admet une exception de recevabilité de la requête
qui est formulée par l’association au nom
de la victime directe, conformément à l’« esprit général de la convention ou à ses valeurs ».
Elle affirme que la convention est incompatible avec la possibilité pour l’État d’échapper à sa
responsabilité, faute de ne pas avoir désigné un représentant. L’État a l’obligation de ne pas
entraver l’exercice effectif d’une requête.
La vulnérabilité implique un aménagement de la procédure.
Dans l’arrêt KUDLA c. Pologne, rendu le 26 octobre 2000, la cour reconnaît que l’état psychologique
du requérant le rendait plus vulnérable que le détenu moyen. Il était en détention provisoire et avait
une dépression médicalement constatée, durant la procédure devant les tribunaux.
Selon la cour, il fallait un aménagement de la procédure au regard des circonstances, notamment
du point du délai raisonnable, garantie par l’article 6, § 1 de la convention européenne des droits
de l’homme. La cour ajoute que les circonstances imposaient des garanties procédurales appropriées
en matière d’audition, d’expertise…
L’attribution de la vulnérabilité semble faire peser à la charge
des États membres des obligations positives.
Dans l’arrêt WINTERSTEIN ET AUTRES c. FRANCE, 17 OCT. 2013, la cour a jugé que « La vulnérabilité des
Roms et gens du voyage, du fait qu’ils constituent une minorité, implique d’accorder une attention spéciale
à leurs besoins et à leur mode de vie propre tant dans le cadre réglementaire valable en matière
d’aménagement que lors de la prise de décision dans des cas particuliers ; dans cette mesure, l’article 8
impose donc aux États contractants l’obligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de
suivre leur mode de vie ».
Source : Madame Celine Ruet, Maître de conférences en droit privé, HDR Droit et sciences politiques :
La vulnérabilité dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
III). — Contacter un avocat
(La vulnérabilité et la CEDH)
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(La vulnérabilité et la CEDH)
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